Le dernier
week-end de mai, je m’attaquais à un gros morceau. L’idée était
de prendre mon vélo et mon maillot Malteni et de diagonaliser
jusqu’au Cap Ferret. Mais comme vous vous en doutez ce n’est pas
si facile et moi je vais l’apprendre.
Vélo chargé dans
la semaine, emmené au boulot en camion. Départ de là-bas
normalement, mais une sombre histoire de carte azur, me fera faire
quelques kilomètres supplémentaires. Un retour à la maison et un
allé-retour à la banque. Ainsi, je ferais le galop d’essai du
paquetage sur le chemin de la maison. Celui-ci ne souhaitant pas
rester avec moi tombera sur le tarmac. Du moins la sacoche avant, qui
est une ébauche. Départ prévu pour 13h décalé à un bon 15h.
Mais départ quand même !
Le destrier |
Dés les premiers
kilomètres qui m’orientent vers Douai, un doute s’insinue.
Celui-ci se nomme le vent. Il est là, il me toise de son torse et
surtout me souffle en plein visage avec une certaine force. Il a du
coffre le gaillard car il ne me lâchera pas des 740km que j’ai pu
parcourir. Après plusieurs heures de route, sa mégère s’invite,
plusieurs averses me tomberont sur le coin de la figure, uniquement
dans le but de me voir sécher à la chaleur de mon effort. C’est
entre 21h et 23h qu’ils s’allieront pour me faire plier.
Il est 23h
passées, je suis trempé jusqu’au fondement, sur une
départementale à fort passage, rien pour m’abriter sur les bords
de route. J’aperçois la lueur d’une ville, c’est Beauvais qui
me tend les bras, je fais un dernier effort, et un hôtel m’attire
de sa lueur. Ne me voyant pas continuer encore sous cette pluie sur
cette route. Je prends le parti de me réchauffer et de faire sécher
mes affaires dans une chambre payée les ¾ du budget que j’ai
emmené. Ma nuit sera remplie de doutes.
5h le réveil
sonne, je bondis du lit, motivé à chasser les doutes et idées
grises. J’ai la chance de pouvoir faire ce genre d’aventure, donc
Hauts les cœurs ! Je décroche mes affaires, certaines ont à
peine séché. J’enlève le PQ dans mes chaussures. J’avale
quelques barres et me voila dans l’ascenseur. Une fois le portail
de l’hôtel passé, je reprends le chemin du GPS et j’attaque
cette longue journée.
Je sais que je ne
serai pas à l’heure promise chez Max, mon beau frère, mais je ne
relâche pas l’effort pour y arriver au plus tôt.
Mon premier plan
était de rouler la nuit de vendredi à samedi et de siester si
besoin le samedi. Me voila donc dans l’idée de rouler le samedi et
la nuit du samedi au dimanche. Le vent est toujours là mais plus
timide, il dort encore le bougre. Je traverse le plateau du Vexin par
les petites routes, c’est agréable. J’y croise beaucoup de
faune, pour la première fois je vois un renard.
9h, pause déjeuner.
Une boulangerie, deux croissants et une tasse de café. Je reprends
la route. Certaines départementales me donnent des vertiges de
sur-place. Le soleil est présent et met mon moral dans la zone
verte. L’aventure continue. Après avoir passé la Seine à
Mantes-la-Jolie, j’aperçois les premiers panneaux pour le Mans. Il
est bientôt midi et j’ai emmené mes chèques déjeuner. C’est
une bonne solution pour ne pas amputer le reste de mon budget. Pas
envie de perdre du temps en restauration, j’essaie de trouver une
superette qui prendra ma monnaie de singe. Dans une bourgade, ma
quête est victorieuse. J’attache mon vélo et je vais faire mes
courses. Je reste dans le sas pour manger à l’abri du vent. Je
sens des regards lourds mais aussi des bonjours amicaux. Un monsieur
assez âgé me salue. C’est « un cyclo ». Il m’a vu
passer tout à l’heure mais avec mon léger paquetage, il pensait
que je parcourais la rando du coin. Nous nous serrons les mains et je
repars.
Un peu de chemin |
Le Mans passe, des
cumulonimbus se forment un peu au sud. Revoilà la mégère. Je ne
veux pas recevoir une nouvelle fois ses crachins au visage.
J’accélère pendant une bonne heure et je passe au travers.
Avec ce rythme, je
dois pouvoir rallier Royan avant 5h du matin. Le soleil donne, je me
ravitaille en eau chez les vivants ou chez les morts. Jamais une
parole de trop ni de curiosité, la politesse est de mise semble t
il. Une fois le Mans contourné, l’objectif suivant est Saumur et
la Loire. Après des kilomètres alternant petites routes communales
et immenses départementales droites, venteuses et sans grand
intérêt, j’atteindrai la ville de l’Anjou et je passerai la
Loire. Le soleil décline. Une gentille famille de fleuristes
préparant les derniers bouquets pour la fête des mères me remplira
mes bidons.
La Loire |
Il est 21h
environ. Il me reste plus de 200km avant de rallier Royan. Je
commence à accuser un peu de fatigue. Je me sens de rouler le
maximum cette nuit, avec l’espoir d’arriver à Royan. Mais mon
premier objectif est de tenir jusque minuit pour appeler ma chérie
et être le premier à lui souhaiter son anniversaire. Le second est
de toucher Niort. En atteignant, le premier objectif j’ai derrière
moi de longues lignes droites sans couvert, en plein vent. Le petit
coup de fil remet mon moral en selle. Hors à cette heure il est
mauvais cavalier et chutera sur le coup de 1h30. Avec une forte
douleur provenant de mon tendon d’Achille, j’essaie d’étirer,
je m’arrête très souvent et je m’aperçois que je ne suis plus
très lucide. D’un commun accord avec mon mental et aux vues de la
rectiligne qui m’attends, je cède aux appels lointain de Morphée.
Je sors de ma trace et je pars en quête d’une place tranquille
hors de vue. Une pâture fraichement fauchée m’accueille. J’y
jette couverture de survie et duvet. Morphée, dans sa bienveillance,
m’accueille instantanément. Il est passé 1h du matin, nous sommes
dimanche. J’ai fait environ 440km en 20h et 600km depuis vendredi.
5h30 le réveil
hurle. C’est dur, je suis bien là. Mais il faut se mettre en
route. Je refais mon paquetage en restant au chaud dans le sac. Une
barre de céréale, de l’eau et je remonte sur le vélo. La douleur
n’a pas changé. J’essaie des positions et je finis par pédaler
avec le talon ce qui m’oblige à pédaler de coin. Mon fondement
n’appréciera guère. Le vent me fait courber l’échine, je suis
une ombre. 40km plus loin, à Niort, les habitués d’une
boulangerie me le feront comprendre en me chipant la place. Je prends
un café, des viennoiseries et de l’ibuprofène. De nouveau les
jambes tournent, cette douleur me fait enrager car j’ai encore de
l’énergie dans celles-ci.
Après Niort, je
sors des grandes départementales pour les petites communales, qui me
font penser à autre chose qu’à cette cheville. Et surtout, je
suis à l’abri du vent.
Le dernier Pont-Nacelle au dessus de la Charente |
Malheureusement,
le salaud souhaite m’achever. Il monte la puissance d’un cran. A
Rochefort, extenué, je m’arrête, ôte mon casque et le vent s’en
empare et fait tomber mon vélo posé sur la table de pique-nique. Le
temps de grignoter quelque chose, je repars. Avancer toujours,
avancer.
Royan, la voici,
la ville promise, il est 13h, je suis un peu perdu sur l’embarcadère
du bac pour Verdon-sur-mer. J’ose demander de l’aide à un homme
en chasuble. Chance, j’ai une minute pour attraper le bac. Je paie
ma place et m’assied dans le bateau au sol, à coté de mon
valeureux destrier. Je sors une plaque de chocolat qui aura l’effet
d’un premier shoot pour un toxicomane. Mais à l’instant où je
souhaite me lever, je manque de tomber. Non pas que le roulis du au
camarade Eole soit important mais surtout car ma cheville ne répond
que par des signaux de douleurs aigus. Quelques échanges digitaux
avec Max qui vient aux nouvelles se solderont par un rendez vous
quelque part dans Verdon.
Au revoir Royan |
Il manquera 100km
au voyage. Mais surtout les 100km qui devaient être les plus jolis
sur la Velodyssé. Mais finalement, voir des têtes familières et
l’accueil chaleureux me font vite oublier le peu d’orgueil qui
sommeille au fond de moi.
Cette fois, j’ai
tiré des enseignements encore plus forts et pris conscience de la
tache à accomplir. L’envie de repartir est encore plus forte.
Merci à ceux qui
me soutiennent.
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