Le samedi 16 mai, 5h03,
j’emmenais avec moi un ami pour sa première longue distance. Quelque chose de
supérieur à 150 km.
Ici on la nomme l’Ardéchoise marathon, une route sinueuse longue de 278 km et qui cumule 5370m
de gain d’élévation. Elle parcourt tous les joyaux de l’Ardèche, dans ses
paysages verdoyants et accueillants.
Mais cette demoiselle, sous ses
airs rustiques, est une bourgeoise qu’il faut courtiser. Lui offrir monts et
merveilles pour qu’elle veuille bien vous laisser la parcourir.
Départ de Meyras pour prendre la
direction de Burzet qui sera notre point de départ sur la boucle (départ
officiel St Félicien). N’ayant qu’une demi-trace GPS du parcours, la première
partie se fera à la carte. Car dans la précipitation, je n’ai pas vérifié mon
GPS et ce dernier n’accepte que les traces de 500 points maxi. Je remercie au
passage le personnel du camping qui a tout fait pour me dépanner avec PC et
internet (Camping de la Plage Meyras).
Donc, tracé sur la carte, GPS au guidon et direction sur le
cadre de mon acolyte, ça devrait aller.
Dans la douceur de la nuit, nous
grimpons vers Burzet puis attaquons le bas des reins de cette damoiselle pour
aller chercher le col de la
Baricaude à 1257m. Mais, farouche, elle nous envoie les éléments.
Le vent se déchaine dans un premier temps. Il me cloue moi et mon poids plume
comme un trophée de chasse au dessus de la cheminée. Puis, la température chute
de quelques degrés par tranche de 100
m gagné. Le col franchi, nous la sentons vexée: neige fondue,
vent, brouillard, j’ai peine à voir mon
camarade qui n’est qu’à quelques mètres de moi. Nous sommes proches de 0°C. L’itinéraire sur le cadre
s’est envolé. J’essaie de prendre en photo la situation mais mon téléphone ne
répond plus avec le froid. Mais je lis un SMS m’informant d’un oubli de
chambres à air au camping. Je suis en boyaux, j’en informe mon voisin et ce
sont les siennes, interdiction donc de crever pour lui…
Nous subirons le courroux pendant
près de 40 km,
accrochés au guidon comme aux cornes d’un taureau de rodéo. C’est un calvaire,
aucun plaisir, on ne voit rien, on ne sent plus rien. Mes doigts sont bleus et
incapables d’actionner les vitesses, je tremble comme une feuille et chaque
descente se fait en appuyant sur les pédales tant le vent nous arrête, mes
réserves énergétiques fondent, comme la moyenne.
Monsieur le Mont Gerbier |
Après le col du Gerbier,
j’entends le bruit caractéristique d’une crevaison, mon boyau siffle à chaque
tour de roue. Il tiendra bien jusque des températures plus clémentes… Au
carrefour qui mène au col de la croix de la Boutière, il n’a plus d’air. Les mains gelées, il
m’est impossible de retirer le bout de verre en cause. Je l’enlève avec les
dents, un coup de « pitstop » dans ce morceau de tripe et nous
repartons.
Plus loin, je vais me rendre
compte que la réparation n’a pas fonctionné.
Je remets alors de l’air pour descendre de St Clément à La Chapelle sous Chanéac.
Toujours grelottant et frigorifié la descente se fait lentement en combattant
le vent. Vers 800m nous sommes sous les nuages, les températures remontent avec
le moral. Mais après un virage à droite j’entends mon prénom derrière. Baptiste
a crevé et je sais ce que ça implique.
J’essaie de mettre ce qu’il reste de ma bombe réparatrice
dans sa chambre en vain. Il finit la descente sur la jante et nous nous arrêtons
dans un abri à La chapelle sous Chanéac.
Il est dix heure nous avons fait
75km en 5heures, les vélocistes sont rares et nous n’avons pas d’argent. J’ai
froid mais je bouillonne intérieurement à cause de mon impuissance face à cette
situation et à mon espoir de gagner le cœur de l’Ardéchoise qui s’envole.
Je réveille les filles d’un coup
de téléphone, je les informe de la situation. La solution trouvée d’un commun
accord est que je retourne au camping pour extirper le camping car du stationnement
délicat et que Baptiste trouve un bistrot pour attendre au chaud.
J’essaie de remettre de l’air
dans mon boyau et je casse ma valve. Je repars morose en adoptant une allure de
forçat pour gagner du temps. D’après la carte, je dois continuer sur le tracé
de l’Ardéchoise jusque Borée, ce qui me fait de nouveau grimper jusque 1184m. En
connaissant la météo qu’on trouve à ces altitudes, j’en frémis d’avance. L’ascension
se passe bien. Passé 900 m
le temps est maussade mais pas horrible, je m’arrête pour manger et regonfler
ma roue avant, mais tout l’air s’échappe de la valve endommagée. J’abats donc
ma dernière carte en reposant un boyau de secours.
Réparation avec vu |
Le col de l’Ardéchoise franchi,
je redescends en claquant des dents. Je passe alors sur un autre versant et là,
le soleil vient me prêter main forte pour affronter cette garce. Je me retrouve
devant le respectable Gerbier de Jonc, perdu. Je continue la route, qui me mène
au croisement du col de la croix de la Boutière. Ayant
descendu quelques heures plus tôt un des embranchements de ce carrefour, je
prends l’option de grimper le Mont Mezenc par le col et ainsi tout redescendre.
Le sommet à 1506m me remet dans cette météo affreuse, la descente est un
supplice pendant quelques kilomètres, puis les températures se radoucissent.
J’entame la cote du Gerbier pour finalement faire demi-tour et rattraper une
départementale qui le contournera ainsi que le froid, le vent et la pluie. A
cette altitude le soleil est présent et le vent moins fort, j’avance bien.
Elle ne m'aura pas épargné |
Un coup de téléphone. On commence
à m’attendre. Du coup, rendez vous à Burzet dans 15 minutes. Le camping car est
sorti sans encombre. J’entame la grosse descente jusqu’à Burzet mais je n’ose
pas aller trop vite dans les virages avec mon boyau juste encollé et reposé
sous la pluie.
Ainsi j’ai payé pour avoir voulu
épouser l’Ardéchoise sans amener ma dot.
139 km
et 4900 m
de dénivelé positif en 7h. Avec les enseignements qui en découlent.
J’effectuerai surement une autre
demande officielle en juin ou juillet.
Avec un arrière gout de
vengeance.
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